Internet des Objets et mobilités urbaines – La navette autonome peut-elle devenir le futur du transport en commun ?

Depuis quelques années désormais, les collectivités territoriales s’intéressent de manière croissante aux questions de Villes Intelligentes, de Villes Numériques et donc, par extension, à l’Internet des Objets, aussi nommé Internet of Things (IoT). Selon l’OCDE, l’IoT regroupe l’ensemble des « objets qui communiquent de manière autonome activement au travers de réseaux filaires ou sans fil sans être des ordinateurs au sens traditionnel du terme et qui utilisent le réseau internet d’une manière ou d’une autre » ; en 2015, l’IoT était perçu dans les pays d’Europe occidentale comme un enjeu dont les villes d’Asie se saisissaient déjà. Aujourd’hui, il est devenu une réalité dans de nombreuses villes et métropoles françaises, ces dernières utilisant de plus en plus les technologies pour aménager l’espace, comme nous le montre la cartographie des initiatives de l’espace IoT du CEREMA. Les initiatives sont nombreuses mais une problématique paraît pertinente à analyser plus que les autres : les mobilités intra-urbaine et notamment la question des transports en commun. En effet, cette question est primordiale, spécifiquement si on la place en relation avec les objectifs mondiaux de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES). Dès lors, cet article essaiera d’éclaircir le rôle de l’IoT dans la mise en place de transports en commun au sein des villes de demain via l’exemple des essais menés à Lyon et Paris concernant les navettes autonomes. La navette autonome peut-elle être considérée comme un futur transport en commun ? Quels sont ses atouts et ses limites ? Va-t-elle changer la morphologie des villes de demain ? Quelles infrastructures sont nécessaires  et quels enjeux représente ce type de projet ?

Les enjeux des navettes autonomes dans les villes intelligentes – l’exemple de Navly

À travers le monde, nous entendons de plus en plus souvent parler de la question de l’autonomisation des voitures en milieu urbain. Ces questions autour des véhicules autonomes prennent place dans un contexte d’uberisation de la société et récemment, de nombreux essais ont pris place dans des métropoles et mégalopoles mondiales. Un exemple est celui de Lyon dans le quartier de La Confluence où la navette autonome est testée depuis désormais 2 ans.

Imaginée comme un complément et non comme un substitut à la ligne de tramway T3 qui longe ce quartier, le projet de navettes autonomes est porté par la Métropole de Lyon et le Sytral en coopération avec NAVYA et KEOLYS. Ce service 100% gratuit permet de desservir les 1km350 séparant l’arrêt T3 – Hôtel de Région – Montrochet des services présents le long des anciens dock. La ligne autonome s’étend du Centre Commercial Confluence jusqu’au pont Magellan. Il est à noter que le projet a été renouvelé à Lyon qui continue l’expérience depuis 2016, contrairement à Paris qui a décidé de l’arrêter. Les porteurs du projet considère que le déploiement de ce type de navette est un véritable enjeu pour les mobilités du futur dans la mesure où ils considèrent que trop souvent, les transports en commun ne sont pas satisfaisant quant à la desserte des premiers et derniers kilomètres qui nous séparent d’une station de métro/tramway du lieu où nous devons nous rendre. 

Un autre enjeu, à plus long terme, est celui de faire entrer les métropoles dans les objectifs de la ville durable et intelligente. Ainsi, ce type de service constitue pour la Métropole de Lyon une alternative à la « voiture propriétaire » avec pour objectif d’effacer la voiture individuelle du paysage urbain et ainsi de désengorger les métropoles ainsi que de limiter les émissions de GES en ville[1]notamment. Actuellement, ces navettes sont aussi utilisées pour se rendre jusqu’au Parc OL dont le trafic est particulièrement dense les jours de match; le déploiement de ce type de voitures, connectées à de nombreux outils technologiques, permettrait « d’optimiser les déplacements en ville ».

Une véritable alternative aux transports en commun mainstream ? 

Navly présente sa navette comme « la nouvelle desserte de transports publics ». Toutefois, malgré des enjeux louables pour répondre aux défis environnementaux notamment, de nombreux obstacles se dressent sur la route de ces véhicules autonomes.

Premièrement, les navettes sont-elles réellement autonomes ? Les exemples de Lyon et Paris nous prouvent en tout cas le contraire ; actuellement, il est impossible pour les navettes de se passer d’un hôte ou d’une hôtesse pour éviter certains accidents malgré tous les capteurs qui se situent autour de la navette. À titre d’exemple, la navette parisienne ne savait plus où s’orienter dès lors que la fréquentation sur le parvis de la Défense était trop importante. De plus, la question des infrastructures nécessaire au déploiement de ce type de navettes s’est vite fait jour. Tout d’abord, les lignes présentent au sol pour guider le véhicule sont insuffisantes lorsque la fréquentation piétonne et/ou motorisée est trop importante. Aussi, à la Défense, les bâtiments qui se trouvaient sur le chemin du véhicule autonome étaient trop haut pour permettre au véhicule de capter le réseau sans fil afin qu’il transmette les informations nécessaires à la navette ; les navettes connaissaient ainsi de lourdes pannes techniques, ne permettant pas aux utilisateurs d’aller plus vite que s’ils étaient à pied. 

D’autres problèmes se font jour essentiellement en ce qui concerne le temps de desserte entre chaque arrêt mais aussi la fréquence de passage. Les véhicules devaient pouvoir aller jusqu’à 40km/h mais à Lyon comme à Paris, ils n’ont pas dépassés les 17km/h, la navette de Lyon allant à seulement 7km/h. Ainsi, l’impératif de rapidité lié à ces technologies ne pouvait pas être atteint. Quant à la fréquence de passage, elle est loin des objectifs annoncés de 10 minutes d’attentes par navette et approche plutôt des 30 minutes. Enfin, le déploiement de ce type de mobilité nécessite un aménagement considérable de la voierie en milieu urbain. En effet, comment imaginer que ce type de navette soit en circulation au milieu des véhicules individuels dans la ville ? La Métropole de Lyon a d’ailleurs dû faire face à ces problèmes sur les portions qui relient le point de départ de la navette au Parc OL où elle a due installer de nouvelles zones 30 km/h. Aussi, sur le plan juridique, la navette n’est pas en mesure de circuler de manière autonome autour des véhicules et un hôte par véhicule a ainsi dû être embauché pour contrôler la navette en cas de problèmes techniques.


Sécurité, temps de desserte, capacité d’accueil, traitement des données personnelles et tant d’autres sujets paraissent limiter les ambitions des véhicules autonomes. Les limites sont nombreuses et poussent à considérer qu’en l’état, les navettes de la société Navly ne peuvent pas être sérieusement considérées comme des alternatives aux transports en communs mais plus comme un outil de communication et de marketing territorial. Aussi, la question sociale serait à traiter plus longuement dans la mesure où le but de ces véhicules est d’être autonome et ainsi de se passer de conducteur ; dès lors, que faire pour l’ensemble des conducteurs qui se retrouveraient, pour la majorité, sans emploi ?

DELY Damien


[1]« L’accessibilité, la fluidité de la ville et l’amélioration de la qualité de l’air » selon les termes que l’on retrouve dans le dossier de presse de la navette autonome lyonnaise. 

Pour aller plus loin
  • Robert Benda, Thibault Fagiani, Paul Giovachini, Côme Pelée de Saint Maurice. La ville et l’internet des objets : Mettre l’IoT au service de la ville intelligente et durable.2018. hal-01855829
  • Espace IoT du CEREMA
Sources

Source image – MENJOULET Jeanne, « Navly, la navette autonome de la métropole de Lyon », Image libre de droit et de distribution – Flickr

Cet article est à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International

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