Elles étaient 15000 disposées un peu partout dans Paris en mars, les opérateurs estiment qu’elles pourraient atteindre le nombre de 40000 d’ici quelques mois… Il s’agit des trottinettes électriques en free-floating, nouveau « joujou » des citadins et des entreprises des mobilités. La dernière à avoir développée sa flotte à Paris n’est autre que Uber. On compte alors 11 compagnies proposant ce type de nouveaux véhicules individuels (NVEI) dans la capitale depuis leur apparition en juin 2018 amorcée par la compagnie américaine Lime.
Qu’est-ce qui explique l’apparition massive des trottinettes électriques en libre-service dans plusieurs villes de France ?
On la trouve à présent dans les plus grandes villes de France comme Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux… La trottinette électrique présente de nombreux avantages dans la micro-mobilité. Le premier que l’on peut relever est le fait que son utilisation soit facile. En effet, tout ce que l’utilisateur doit faire c’est installer l’application de la compagnie de trottinettes qu’il souhaite emprunter et entrer ses identifiants de carte bancaire. Une fois cette étape franchie, pour toutes ses futures utilisations, l’utilisateur n’a qu’à dégainer son portable, géolocaliser une trottinette, scanner le QR code et commencer sa course. Rien de plus simple. Le coût s’élève à 1€ pour le déverrouillage de la trottinette et 15 centimes la minute.
De plus, son utilisation est bien plus ludique qu’un vélo par exemple. Le fait que la trottinette soit électrique fait que l’utilisateur n’a aucun effort à faire si ce n’est la première impulsion pour lancer l’engin. Contrairement aux vélos ou aux transports en commun lorsqu’ils sont bondés, le patineur n’arrive pas au point d’arrivée transpirant. La trottinette présente aussi les avantages d’être peut encombrante et d’être légère.
Comment les applications fonctionnent-elles ?
Bien que les compagnies proposant le service des trottinettes en free-floating soient nombreuses, les applications qu’elles ont mises en place fonctionnent toutes sur le même principe. Les trottinettes sont toutes munies d’un module GPS pour leur localisation. En parallèle, une application est développée sur laquelle apparaissent toutes les trottinettes grâce au signal GPS qu’elles envoient. L’utilisateur disposant de l’application sur son portable est lui aussi localisé. Ainsi, grâce à cette plateforme numérique, il peut trouver la trottinette la plus proche de lui rapidement.
Les applications mettent donc en relation la personne en demande d’un moyen de transport et la trottinette électrique. C’est d’ailleurs l’un des avantages du free-floating, expression qui signifie que les trottinettes n’ont pas de borne d’attache. Cela signifie qu’une fois que la personne a fini son trajet, elle peut laisser la trottinette où bon lui semble. Les applications demandent tout de même aux clients de ne pas laisser les trottinettes dans un endroit où elles seraient source de danger ou encombreraient l’espace public.
La face sombre du free-floating et de la trottinette électrique en ville
Après les vélos, dont leur disponibilité en free-floating n’a pas fait long feu à Paris, c’est donc au tour des trottinettes électriques de tenter leur chance et pour le moment, ça marche comme sur des roulettes. Enfin, pas pour tous les acteurs urbains.
Les citadins ont l’air d’apprécier ce nouveau moyen de transport rapide et ludique. Cependant, ce n’est pas le cas des citadins non utilisateurs de ces engins. En effet, les trottinettes n’apparaissant pas dans le code de la route, il est possible d’en apercevoir à une vitesse de pointe de 25km/h sur les routes, sur les pistes cyclables mais également sur les trottoirs. Elles sont donc en danger face aux voitures mais représentent un danger pour les piétons. L’apparition des différentes entreprises qui proposent ce service est en constante augmentation entrainant alors la multiplication des trottinettes électriques en fonctionnement dans les villes et donc multiplient les dangers.
Ce sont donc les villes et les collectivités qui essaient de ralentir tant bien que mal cette prolifération des trottinettes électriques en ville. Cette tâche est compliquée car les entreprises qui proposent ces NVEI en free-floating n’ont aucune autorisation à demander aux villes ou collectivités. Ce qui veut dire que du jour au lendemain une ville peut être pourvue de trottinettes et bien que ces entreprises ne fassent aucune communication, le bouche à oreille suffit pour que le citadin sache quoi faire face à ce nouveau transport qu’il trouve en bas de chez lui : télécharger l’application et « endosser sa monture ».
Les dessous des plateformes de location des trottinettes électriques : l’uberisation
Les trottinettes électriques ont une autonomie en moyenne de 50km. Cela signifie qu’elles doivent être rechargées avant d’être utilisées de nouveau. Cette partie est la face cachée de l’iceberg que représente les plateformes numériques de location de trottinettes électriques en libre-service. Ces applications ont des retombées sociales car elles doivent développer des emplois de « rechargeurs ». Les développeurs des applications créent donc des emplois qui instaurent une relation employés/employeurs à distance et impersonnelle.
A vrai dire, c’est plutôt une relation employés/application qui est développée puisque toutes les démarches et indications pour le travail se trouvent sur l’application. Ces employés ont d’ailleurs le statut d’auto-entrepreneurs ce qui évitent aux entreprises de payer des charges supplémentaires. On assiste à une création d’emplois « à la demande » où des personnes se retrouvent à parcourir les rues des villes, grâce aux signaux GPS qu’envoient les trottinettes aux applications, pour ramasser les trottinettes, les charger et les redéposer au petit matin dans les rues. Le salaire de ces « auto-entrepreneurs » varie alors en fonction du nombre de « rechargeurs » par nuit allant de 7€ la trottinette ramassée à 5€ en moyenne. Autant dire pas grand chose.
La loi d’orientation sur les mobilités (LOM) : vers une régulation du free-floating ?
Le numérique est donc bien plus rapide que les villes et collectivités concernant le développement de NVEI en free-floating. En effet, aucune régulation n’est prévue concernant les trottinettes dans le code de la route par exemple, ou encore concernant l’installation d’une flotte de trottinettes électriques dans une ville par une entreprise proposant des services de free-floating. Les maires des villes et les élus locaux se sont tournés vers l’Etat et ce dernier propose une réponse dans la loi mobilités votée au Sénat ce mois-ci (avril 2019). Cette loi regroupe 15 objectifs dont « un nouveau cadre pour les solutions en libre-service ». Cet objectif s’accorde sur le fait que le développement de NVEI est bénéfique comme alternative à la voiture individuelle mais qu’il faut réguler ce développement. Avec la LOM, il reviendra aux collectivités d’instaurer un « cahier des charges » pour réguler « l’économie des plateformes dans le respect des droits des travailleurs et de l’environnement ». Paris et Toulouse ont pris de l’avance quant à cet objectif et ont mis en place une « charte de bonnes pratiques » à l’intention des entreprises du libre-service et des utilisateurs de ces services avec comme mesure d’exemple la mise en place de parkings à trottinettes.
Les plateformes numériques pour l’utilisation de trottinettes électriques en libre-service demandent donc des précisions et des évolutions dans les textes de loi pour éviter de transformer les rues en « jungle urbaine » et l’exploitation de « rechargeurs » de trottinettes.
Salomé Drieux–Bénéfice
Sources :
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-mobilites-des-solutions-tous-dans-tous-territoires
https://www.presse-citron.net/trottinettes-electriques-carte-france-monde-lime-bird/
https://www.liberation.fr/france/2018/09/26/mobilite-la-trottinette-electrise-la-ville_1681459
http://petitguidedunumerique.fr/uberisation/
Une réflexion sur “Les trottinettes électriques : le nouveau marché des micro-mobilités ?”