La littératie de la donnée dans les quartiers politique de la ville : une opportunité à saisir ?

En Mars 2018 est publié un rapport commandité par la métropole de Lyon. Il s’intitule « Repenser la ville intelligente dans les quartiers prioritaires » [1] et son objectif est de permettre à la métropole de comprendre de quelle manière la ville intelligente pourrait répondre aux enjeux socio-économiques propres aux quartiers prioritaires. A travers une étude d’initiatives et dispositifs déjà en place dans toute la France, il s’agit de proposer des pistes d’actions à la Métropole pour agir dans ces quartiers, jusqu’à la, relativement délaissés des stratégies de numérisation de la ville et de « ville intelligente ». Face à ce constat, la Métropole Lyonnaise a en effet décidé de placer l’inclusion de tous au cœur de sa stratégie numérique. Le rapport explique en effet que ces quartiers sont des « territoires-laboratoires », porteurs de nombreuses opportunités en matière d’innovation au sens général, et donc d’innovation numérique.

Littératie de la donnée : un rôle social ?

Face à cet intérêt croissant pour l’inclusion des quartiers prioritaires dans les stratégies numériques des villes, nous nous intéressons à ce que cela peut signifier en termes de littératie de la donnée. Nous parlons ici du développement de la capacité des habitant.e.s à collecter, sélectionnera, nettoyer, analyser, interpréter, critiquer ou encore partager la donnée. Cet ensemble de compétence et son apprentissage dans les quartiers populaires semble devoir être un axe important à incorporer dans ces différentes stratégies de ville intelligente.

Le chercheur Paul Matthews [2] souligne par ailleurs, au-delà des capacités explicitées précédemment, le rôle de la littératie de la donnée dans l’empowerment des habitants. Elle jouerait alors un rôle social important et permettrait également de développer une compétence communautaire. Il apparaît ainsi qu’au-delà de l’inclusion des quartiers prioritaires dans une stratégie de « ville intelligente », il s’agirait d’inclure plus largement les habitant.e.s et de leur permettre l’accès à cette littératie de la donnée en favorisant le développement de toutes ces compétences.

Quelle place pour la littératie de la donnée dans les quartiers prioritaires aujourd’hui ?

Dans le rapport présenté précédemment, les initiatives déjà existantes qui sont développées montrent déjà l’existence d’une certaine forme de littératie de la donnée et de l’importance de cet enjeu. Néanmoins, l’on parle plutôt d’un apprentissage au numérique de manière générale et pas de la donnée spécifiquement. Lorsque l’on parle de données et de sensibilisation des habitant.e.s aux usages qui peuvent en être fait, la focale de ces initiatives est faite sur l’emploi. Il s’agit alors de former les habitant.e.s afin qu’ils gagnent en compétences pour postuler à des emplois de plus en plus nombreux en lien direct avec la donnée ou où il est essentiel de savoir s’en servir. En revanche, l’on ne présente pas ces compétences comme pouvant être utiles en dehors du monde du travail et comme possible vecteur d’amélioration de la vie sociale des habitant.e.s.

Les données sont pourtant présentes partout autour de nous et nous avons à faire à elles constamment dans notre vie quotidienne. Nous sommes à la fois amenés à les manipuler, les interpréter, ou encore les lire dans de nombreux domaines : comparateurs de produits, journalisme, etc. Mais nous produisons également consciemment ou non, des données qui seront à leur tour retraitées et utilisées pour différents usages (marketing par exemple). Il apparait donc que la littératie de la donnée ne devrait pas être un simple ensemble de connaissances permettant de faciliter l’accès à l’emploi, mais bien quelque chose de partagé de manière globale par tou.te.s afin de mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons.

Une illustration à Saint-Etienne

En 2017, la Métropole et la Ville de Saint-Etienne ont reçu le prix « Smart Cities » dans le cadre du Forum Smart City Paris 2017 « pour l’ensemble de leurs actions dans le domaine du numérique sur le territoire ». C’est notamment un projet de plateforme numérique de collecte et de partage de données urbaines, en partenariat avec Suez qui est récompensé. Ce projet est actuellement testé dans un des quartiers prioritaires de la ville : Tarentaize-Beaubrun-Couriot. Concrètement, les habitants de ce quartier vont assister à l’installation de nouveaux équipements intelligents (domotiques dans les logements, espaces wifi, mobiliers intelligents…). L’un des objectifs affichés de ce projet est de faire une ville « C’est une ville plus efficace, plus attractive, respectueuse de l’environnement qui place le citoyen et ses usages au centre des préoccupations. » [3]

Si les initiatives liées au développement d’une Smart City sont amenées à se développer dans les quartiers populaires, il apparaît essentiel que les habitant.e.s comprennent de quoi il s’agit et soit en mesure de saisir les enjeux liés à chaque actions pour pouvoir mieux les utiliser, les critiquer et se les approprier, mais aussi pour pouvoir construire soi-même le quartier intelligent que l’on souhaite. A Saint-Etienne, si l’implication des citoyen.ne.s semble une ambition affiché, la question se pose alors de la manière dont cela va être fait. La littératie de la donnée semble dans ce cas être un vrai enjeu.

Conclusion : un concept qui reste à développer

Pour terminer, développer la littératie de la donnée dans les quartiers prioritaires semble être un axe à travailler et un enjeu à saisir pour accompagner au mieux ces stratégies de ville intelligente. Le rôle des différents acteurs de la médiation numérique dans ces quartiers est alors à souligner puisque ils pourraient être une première étape pour familiariser les habitant.e.s. Cependant, il est important de noter que la littératie doit aussi pouvoir se développer en dehors de tout cadre politique ou stratégique, et la ville intelligente n’offre qu’un prétexte pour s’intéresser à ce concept, qui nous l’avons vu, devient de plus en plus indispensable dans notre vie de tous les jours. Plus spécifiquement concernant les quartiers populaires, au-delà de la simple appropriation, compréhension ou participation à des initiatives descendantes, il s’agit comme nous avons pu le voir, de faire communauté et de s’émanciper grâce aux différentes compétences associées à la littératie de la donnée.

Emilie Chomienne

Sources 

[1] https://www.millenaire3.com/ressources/Repenser-la-ville-intelligente-dans-les-quartiers-prioritaires

[2] http://www.ci-journal.net/index.php/ciej/article/view/1348

[3] https://www.saint-etienne-metropole.fr/actualites/numerique/saint-etienne-metropole-et-la-ville-de-saint-etienne-laureats-du-prix-smart-cities

Photo par Benoît Mouren

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